La Belgique est une des championnes incontestées des voitures de société. Avec 954.789 unités en 2018 selon la Febiac (en incluant le leasing), les voitures de société représentent 16,5 % du parc automobile belge. Rien de très étonnant à cela puisque, par le truchement des déductions fiscales, mettre une voiture à disposition d’un employé est nettement moins cher pour une entreprise que d’augmenter son salaire.
Pourtant, leur succès suscite souvent la controverse. Les opposants voient la “voiture salaire” comme une excroissance du coût salarial extrêmement élevé, alors que ses partisans la considèrent comme un instrument (de travail) pratique.
A l’aube de 2020, d’importants enjeux se profilent autour des voitures de société. Plus personne n’ignore qu’avec l’installation des gouvernements régionaux (et dans l’attente d’un gouvernement fédéral), la taxation automobile belge a connu ces derniers mois de grands bouleversements. Avec, en toile de fond, ces questions récurrentes pour l’État : l’impact environnemental croissant des voitures de société et le poids financier qu’elles représentent ne sont-ils pas exagérés ?
Précisons que chez nous la taxation automobile se base sur deux pointeurs : la TMC (taxe de mise en circulation), payée une seule fois au moment où l’on immatricule un véhicule neuf ou d’occasion, et la TC (taxe de circulation), payée chaque année pour rouler avec ce véhicule. Dans toutes les entités fédérées du pays, les taxes de mise en circulation et de roulage ont augmenté pour les véhicules les plus polluants.
Même si l’incidence de ces deux taxes reste plus importante pour les véhicules détenus par des particuliers, elle impacte également la fiscalité des voitures professionnelles et de société, plus généralement liées aux ATN (avantages de toute nature) et à la déductibilité (deux compétences fédérales).
Comment se dessine l’avenir des voitures de sociétés ? Leur nombre diminuera-t-il dans les prochaines années en raison de leur fiscalisation croissante, décidée et planifiée ? Selon une carte blanche de Charles Markowicz parue en janvier dans l’Echo, ce scénario est tout à fait possible. Examinons cette hypothèse d’un peu plus près…
Nouveau régime fiscal des voitures de société
Une voiture de société, est une voiture mise à la disposition d’un travailleur par sa société ou son employeur. Ce véhicule peut être utilisée en parallèle pour des besoins privés. On parle alors de d’une voiture à usage mixte (privé et professionnel) ou de ‘voiture-salaire’. Sont donc exclus de cette catégorie le véhicule personnel d’un indépendant (à titre principal, complémentaire ou aidant) ou la voiture de service qu’un employeur met à la disposition de son personnel pour des déplacements exclusivement professionnels.
Avant d’être fiscalisé, il est utile de préciser que le coût d’une voiture à usage mixte, financée par une entreprise, se compose de :
- La partie déductible
- Le solde du coût de la voiture (partie non déductible)
- Le fameux ATN (avantage de toute nature) qui concerne tant les bénéficiaires de ces voitures de société que leurs employeurs.
Jusqu’à l’année passée, la partie déductible des frais de véhicules était fonction du taux d’émission de CO2 de la voiture. Huit catégories de déduction allant de 50 à 120% du montant principal servaient de base pour effectuer le calcul. En 2020, la règlementation change. Désormais, un seul mode de calcul est pris en considération. Le taux de déductibilité s’obtient par la formule suivante : 120 % – (0,5% x coefficient carburant x CO2/km), le coefficient étant ici de 1 pour les voitures roulant au diesel, même hybride et de 0,95 pour les moteurs à essence ou LPG.
Le taux de déductibilité minimum sera de 50%, sauf pour les véhicules émettant plus de 200g de CO²/km, qui ne seront plus déductibles qu’à hauteur de 40%.
Le taux maximum, quant à lui, sera plafonné à 100%. Les véhicules entièrement électriques, seront donc désormais déductibles à 100% et non plus à 120%, comme auparavant. Il n’y aura plus aucune déduction possible à 120%.
Afin de mieux comprendre les conséquences de ces modifications, voici quelques exemples :
- Un moteur Diesel émettant 98g de CO²/km sera déductible à 71% : 120 – (0,5 x 1 x 98) = 71 %
Déductibilité avant modification 2020 : 90%
- Un moteur essence émettant 112g de CO²/km sera déductible à 65% : 120 – (0,5 x 0.95 x 112) = 65%
Déductibilité avant modification 2020 : 80%
- Un moteur hybride supérieur à 0,5kWh/100kg émettant 55g de CO²/km sera déductible à 66,8% : 120 – (0,5 x 0,95 x 112).
On utilise alors le taux d’émission du moteur thermique équivalent (112g de CO²/km) car le taux d’émission est supérieur à 50g de CO²/km
Déductibilité avant modification : 100%
Un cauchemar pour les sociétés possédant un grand parc automobile
Si l’on en croit Charles Markowicz, ces nouvelles règles ne vont pas faciliter la tâche des comptables et fiscalistes. Ceci vaut plus particulièrement pour ceux qui suivent la situation de sociétés qui possèdent plus de deux véhicules dans leur parc. Les sociétés octroyant des modèles de voiture différents à chaque collaborateur vont se retrouver face à un fameux surcroît de travail, car elles devront calculer un taux par véhicule. La gestion des dépenses non admises sera donc nettement plus complexe qu’auparavant. Tandis que la rationalisation des parcs de véhicules deviendra sans doute une priorité pour les entreprises.
Autre observation de Charles Markowicz, les taux d’émission de CO2, sur lesquels reposent les formules de calcul des ATN étant désormais connus pour 2020 (111g pour les véhicules à essence et LPG et 91g pour ceux roulant au diesel), les ATN seront plus élevés en 2020 qu’en 2019. Le seul petit intérêt pour les entreprises est que cet ATN étant déduit des dépenses non admises, la réduction sera donc légèrement plus importante.
Vers la fin des voitures de société ?
Suite à ces constats, Charles Markowicz s’interroge :
D’une part, l’administration fiscale aura-t-elle les moyens de sa politique ? Va-t-elle mettre en oeuvre les moyens techniques et humains pour vérifier si les entreprise respectent la législation au pied de la lettre ?
D’autre part, que décideront les entreprises face à l’augmentation de la pression fiscale ? Vont-elles conserver le même parc automobile et revoir les budgets octroyés à leurs collaborateurs à la hausse ? Ou à l’inverse vont-elles maintenir leurs coûts par voiture mais réduire la valeur des voitures mises à disposition ? Ne choisiront-elles pas tout simplement de supprimer cet avantage salarial ?
Conséquence des enjeux qui se profilent à l’aube de 2020, il y a fort à parier que chaque entreprise prendra sa décision après avoir analysé les aspects positifs ou négatifs des impacts fiscaux et environnementaux. Les travailleurs vont-ils voir leur avantage disparaître dans les prochaines années ? La question reste en suspens…
Il vous reste des questions ? Consultez notre dossier La vérité sur la déductibilité d’un véhicule au 1er janvier 2021.