Comme de nombreux indépendants et dirigeants d’entreprises touchés par la crise, vous vous posez sans doute cette question toute simple mais fondamentale: les bénéficiaires des différents droits passerelles accordés par les autorités seront-ils taxés ? Et si oui, comment? Nous analysons avec vous la réponse, parfois complexe, à ces questions…
À l’heure où toutes les entreprises et leurs dirigeants cherchent les moyens les plus efficaces pour survivre à la pandémie qui paralyse le pays et les affaires, nombreux sont ceux qui dépendent des aides accordées par les autorités. Et, même s’ils restent insuffisants pour envisager l’avenir à long terme, les différents droits passerelles sont un précieux secours dans l’urgence que vivent certains. Mais de quoi sera fait demain? Et quelle sera la fiscalité d’application sur les différents droits passerelles ? Fiscal Team fait le tour de la question avec vous.
Quelles sont les différentes formules existantes?
Commençons par un petit rappel des différentes formules existantes :
– le droit passerelle “classique” : on l’oublie souvent mais, avant même la crise du coronavirus, les indépendants pouvaient déjà recourir au droit passerelle s’ils étaient contraints de cesser leurs activités à la suite d’une catastrophe naturelle (inondation, tremblement de terre…), d’un incendie, de difficultés économiques ou s’ils étaient déclaré en faillite.
L’indépendant recevait alors une prestation mensuelle, équivalente à la pension minimale pour indépendants. La loi du 22 décembre 2016 limitait néanmoins le recours au droit passerelle pour les indépendants à un maximum de 12 mois (ou 24, dans certains cas précis) sur l’ensemble de leur carrière professionnelle.
– le droit passerelle “de crise” pour indépendants : le 24 mars 2020, au début du premier confinement, les autorités assouplissent et élargissent le droit passerelle aux indépendants qui sont forcés d’interrompre (partiellement ou totalement) leur activité et à ceux qui l’interrompent complètement pendant au moins 7 jours calendrier consécutifs en raison de la crise du coronavirus.
– le droit passerelle “de soutien à la reprise” pour indépendants : le 26 juin 2020, les autorités permettent aux indépendants contraints d’interrompre (temporairement) leur activité de bénéficier du droit passerelle de soutien à la reprise. Une indemnité qui vise à soutenir leur redémarrage durant les mois de juin, de juillet et d’août 2020. L’activité ne doit plus nécessairement être interrompue pendant sept jours consécutifs.
Comment sont imposés ces différents droit passerelle ?
– droit passerelle “classique” : les bénéficiaires de ces indemnités sont imposés globalement aux tarifs progressifs normaux (de 25 à 50 %) car les indemnités perçues sont considérées comme des “revenus de remplacement”, qui entrent donc dans le calcul classique de l’impôt.
– droit passerelle “de crise” : rappelons d’abord que le revenu de remplacement étant perçu à titre personnel , il émarge à l’IPP. L’imposition du droit passerelle de crise sera différente selon la nature de votre activité d’indépendant, mais aussi du type de revenus perçus.
Pour les indépendants et les professions libérales :
Le droit passerelle est imposable distinctement à un taux préférentiel dérogatoire de 16,5 % à la condition que ces indemnités (combinées à d’autres prestations éventuelles octroyées en compensation d’une réduction de l’activité professionnelle) ne dépassent pas les bénéfices ou profits nets imposables globalement des quatre dernières années de revenus (2016 à 2019, donc).
Attention ! La partie de l’indemnité qui excèderait ce revenu de référence serait imposable aux taux progressifs normaux (de 25 à 50 %).
Concrètement :
Vos bénéfices nets en 2016 : 9 500 euros
Vos bénéfices nets en 2017 : 6 500 euros
Vos bénéfices nets en 2018 : 2 000 euros (perte)
Vos bénéfices nets en 2019 : 14 000 euros
Total pour les quatre dernières années de référence : 32.000 euros
Si le montant total des indemnités octroyées dans le cadre du ‘droit passerelle de crise’ est inférieur à 32.000 euros, le taux préférentiel de 16,5% reste d’application.
Pour les dirigeants d’entreprise indépendants :
Pour le dirigeant d’une société, l’indemnité reste imposable aux taux ordinaires progressifs (de 25 à 50 %), car elles sont considérées comme des “indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d’une perte temporaire de rémunérations de dirigeants d’entreprise”. Pas de taux préférentiel, donc…
Pour les aidants indépendants:
Sur le plan fiscal, les indemnités obtenues dans le cadre du ‘droit passerelle de crise’ par les aidants indépendants sont considérées comme des “indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d’une perte temporaire de rémunérations de salariés” et sont imposées aux taux progressifs normaux (de 25 à 50 %).
Pour les conjoints aidants :
Les prestations octroyées dans le cadre du droit passerelle de crise aux conjoints aidants, même rémunérés, ne sont pas imposées. Ceci concerne les conjoints aidants percevant des rémunérations et affiliés au maxi-statut (personnes nées après 1956).
Quid du droit passerelle de “soutien à la reprise” ?
Attention ! La fiscalité applicable au ‘droit passerelle de soutien à la reprise’ est nettement moins favorable. Pour les professions libérales, les indépendants, les dirigeants d’entreprise indépendants et les aidants indépendants, les prestations octroyées dans le cadre du droit passerelle de soutien à la reprise sont imposées au taux progressifs normaux.
Contrairement à ce qui est prévu dans le cadre du ‘droit passerelle de crise’, aucun régime fiscal préférentiel dérogatoire n’a été instauré pour certaines catégories.
Les prestations octroyées dans le cadre du ‘droit passerelle de soutien à la reprise’ aux conjoints aidants ne sont pas imposées.
Les dirigeants d’entreprise indépendants seront les plus mal lotis
On le voit, ce sont les indépendants dirigeant une entreprise ayant bénéficié des droits passerelles qui seront les plus lourdement taxés, le prélèvement pouvant aller dans certains cas, jusqu’à 50 % ! Plus de détails sur cette situation particulière ici.
Et les cotisations sociales ?
En principe, il n’y a pas de cotisations sociales à payer sur le ‘droit passerelle de crise’, mais s’il est imposable à 16,5 %, son montant sera inclus dans le revenu fiscal transmis à la caisse d’assurances sociales. Il a dès lors été demandé au SPF Sécurité sociale s’il est possible de sortir ce droit passerelle de la base de calcul. Une question qui n’a pas encore eu de réponse. Nous suivrons ce dossier de près dans les semaines qui viennent…
Quelles perspectives pour 2021?
“Les deux formes actuelles de droit passerelle – celle d’aide à la relance et celle de crise – seront fusionnées en un droit passerelle de crise unique“, annonçait début décembre le cabinet du ministre des Indépendants, David Clarinval.
“L’objectif poursuivi sera de mieux coller aux difficultés concrètes vécues au quotidien par les travailleurs dont les activités sont impactées en cas de fermeture, en les accompagnant également au mieux dans leur reprise d’activité et en laissant moins de place à l’interprétation.”
Dont acte…