Fin octobre, le gouvernent wallon validait en première lecture un nouveau décret fiscal qui a pour objectif la mise en place d‘un ‘impôt plus juste’. Pratiquement, ce décret cible des pratiques destinées à éluder et/ou à contourner certains impôts. Dans le viseur du législateur, on retrouve surtout les nouvelles dispositions concernant les droits de succession et d’enregistrement ainsi que la fiscalité automobile. Fiscal Team fait le point sur ces nouvelles mesures. Plus justes ?
Ce nouveau décret fiscal wallon, qui doit encore être approuvé par le Parlement le 1er janvier 2022, porte essentiellement sur un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et l’évitement de l’impôt. Il propose de fortifier le dispositif législatif sur plusieurs aspects. C’est surtout le cas des donations non enregistrées, des assurances-vie, des “faux” utilitaires ou encore des “faux” ancêtres.
Délais d’investigation prolongés
Le premier volet de ce décret, très global, vise à allonger les délais extraordinaires d’investigation et de taxation de cinq à dix ans en cas d’intention frauduleuse. Le texte ambitionne aussi d’adapter et d’allonger les délais spéciaux de taxation jusqu’à dix ans sur base d’éléments nouveaux portés à la connaissance de l’administration.
Donations non enregistrées
Le deuxième volet prévoit d’en finir avec la possibilité de contourner le paiement des droits de succession en effectuant une donation sous terme suspensif du décès du donateur.
Actuellement, effectuer une donation manuelle permet de transmettre une partie de son patrimoine mobilier sans payer d’impôts, pour autant que le donateur reste en vie pendant au minimum 3 ans après la date de la donation.
Si le projet de décret est voté, cela ne sera plus le cas : le donateur devra rester en vie au moins 5 ans après sa donation mobilière non enregistrée pour que la donation soit exemptée des droits de succession.
Le but de la mesure est d’inciter un maximum les donateurs à faire enregistrer leurs donations pour éviter tout risque.
Dans le cas d’une donation enregistrée, celle-ci n’est plus soumise aux droits de succession et ce, quelle que soit la date de décès du donateur. L’enregistrement est soumis à des droits de 3,3% (en ligne directe et entre conjoints ou cohabitants légaux) ou de 5,5% (dans tous les autres cas).
Notez que les donations qui ont été effectuées depuis le 1er janvier 2019 (et pour lesquelles le donateur est encore en vie au 31 décembre 2021) seraient concernées par l’allongement du délai.
Donation d’assurance vie
Autre contournement de l’impôt visé par ce projet : la possibilité d’échapper à la taxation en droits de succession via un mécanisme d’assurance-vie. Une possibilité que le législateur souhaitait limiter à l’avenir.
Le texte prévoit qu’en cas de donation d’assurance-vie, la personne gratifiée serait taxée en droits de succession sur l’éventuelle plus-value réalisée entre le moment de la donation et celui du décès du donateur.
Fiscalité automobile
Le texte en discussion s’attaque aussi frontalement au régime fiscal très favorable dont jouit la camionnette utilitaire, en la réservant à l’avenir exclusivement aux utilisateurs professionnels. Dès 2022, il serait interdit d’immatriculer un pickup ou un SUV comme “utilitaire” et de s’en servir en réalité pour un usage totalement privé.
Sont aussi visés : les régimes fiscaux favorables des véhicules ancêtres et l’utilisation par un résident belge d’un véhicule muni d’une immatriculation étrangère ne respectant pas les règles relatives aux exceptions à l’obligation d’immatriculation.
“Complémentairement à ces mesures sur la fiscalité automobile, une analyse va être effectuée (…) sur les différents régimes d’exemption et d’exonération en matière de taxe de circulation et de mise en circulation afin de limiter l’octroi de ceux-ci lorsqu’ils concernent des cas de véhicules jugés inappropriés car notamment surpuissants ou ne répondant pas à une logique écologique responsable“, a précisé le ministre wallon du Budget, Jean-Luc Crucke, porteur de ces projets
Coup de théâtre
Mais, surprise de dernière minute, ce projet de décret sur « un impôt plus juste » a finalement été retiré de l’ordre du jour du Parlement Wallon. Au cœur des discussions : la suppression du principe de rétroactivité en ce qui concerne l’allongement de trois à cinq années du délai les donations manuelles effectuées avant le décès, re-qualifiables en droits de succession. Le 10 décembre, la majorité PS-MR-Ecolo a voté le texte, amendé afin d’acter la suppression de la rétroactivité en matière de donation manuelle.