Niveau de vie pharaonique, étalage de richesse en tous genres et hobbies hors de prix exposés sur les réseaux sociaux ? Gare aux agents du fisc ! Aujourd’hui, l’administration fiscale scrute les comptes Facebook, Twitter et Instagram des contribuables afin d’y repérer des indices d’un niveau de vie sans rapport avec les revenus déclarés. Et la jurisprudence évolue, mais pas en faveur du respect de la vie privée…
Voiture neuve, dîner dans des restaurant étoilés, vacances dans des hôtels de luxe, loisirs pharaoniques… certains aiment partager ce type d’informations sur les réseaux sociaux. Mais cette pratique alimente aujourd’hui souvent les soupçons du fisc et peut causer bien des soucis aux imprudents.
Limiers du fisc : des pouvoirs d’investigations élargis
Dans un article publié sur Linkedin en février, Pierre-François Coppens, conseiller fiscal réputé, met en garde les contribuables et souligne que les pouvoirs d’investigation du fisc sont de plus en plus larges.
Il semblerait en effet que l’administration fiscale utilise les informations recueillies sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, Linkedin et autres) pour déceler chez les contribuables des indicateurs d’un train de vie qui semblent ne pas coller aux revenus déclarés.
Que peut faire et ne pas faire l’administration ?
Une question vient immédiatement à l’esprit : ces pratiques fiscales constituent-elles de potentielles atteintes au respect de la vie privée ? « En ce sens, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme protège le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance des citoyens. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit », explique Pierre-François Coppens.
Si ingérence il y a, elle doit respecter une certaine proportionnalité : elle doit être nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi. Concrètement, il faut donc évaluer juridiquement si l’ingérence effectuée vise à réaliser l’objectif visé, sans dépasser ce qui est nécessaire pour l’atteindre.
Dans sa grande sagesse, l’administration explique dans ses circulaires que les informations recueillies sur les réseaux sociaux ne sont pas des preuves mais plutôt le point de départ d’investigations futures.
Pour le dire autrement, les données provenant de réseaux sociaux ne sont pas des faits avérés, mais des indices qui incitent l’administration à rechercher des données probantes et à établir des preuves irréfutables.
Les tribunaux conciliants avec l’administration ?
Mais, source d’inquiétude supplémentaire pour les contribuables, la jurisprudence semble parfois plus que complaisante avec l’administration. Un arrêt de la Cour d’Appel d’Anvers, du 22 février 2011, a admis la validité de renseignements obtenus sur les réseaux sociaux (un chat Facebook, en l’occurrence) et considéré qu’ils ne portaient pas atteinte au respect de la vie privée de la personne incriminée. « La Cour y voit un moyen de preuve valable, et non un simple indice comme l’administration le précisait pourtant », explique le spécialiste.
Le fisc et les tribunaux semblant partager une approche commune, redoublez de prudence quand vous partagez des informations ou quand vous vous exprimez sur les réseaux sociaux ! Vous l’avez compris, il vous sera ensuite bien compliqué d’invoquer votre vie privée puisque ces posts sont publics et donc à priori destinés à un public large.
« La modestie et la retenue sont parfois des vertus fiscales à ne pas oublier », conclut à juste titre Pierre-François Coppens.