Présentée il y a quelques jours, la réforme de la fiscalité automobile wallonne entend pénaliser les véhicules lourds, encombrants et polluants et, par effet de rebondissement, décourager les candidats-acheteurs d’acquérir ce type de véhicule. Mais que propose exactement cette réforme et surtout, sera-t-elle vraiment appliquée vu les (énormes) oppositions qu’elle suscite? Fiscal Team fait le point sur ce dossier sensible.
La réforme de la fiscalité automobile wallonne, c’est un peu comme le monstre du Loch Ness : tout le monde en parle mais personne ne voit jamais rien venir.
Les grandes lignes du projet
Pourtant, cette fois, il semblerait bien que le gouvernement wallon soit parvenu à un début d’accord sur les grandes lignes de ce projet dont l’entrée en vigueur s’étalera entre le 1er janvier 2023 et 2026.
Le Ministre wallon de l’Énergie, Philippe Henry (Ecolo), ne cache pas que l’objectif avoué de ce texte est de pénaliser à l’avenir les véhicules lourds, encombrants, gros émetteurs de CO2. Les propriétaires de SUV en frissonnent déjà et certains conducteurs de voitures électriques n’ont pas manqué de relever que les batteries, c’est lourd, même si le cabinet de l’Énergie affirme vouloir tout faire pour ne pas pénaliser les voitures zéro émission. Pas facile de s’y retrouver. Mais revenons sur les grands axes du projet…
C’est quand ?
Dans le meilleur des cas (ou le pire, c’est selon), la réforme s’appliquera à partir du 1er janvier 2023, pour les nouvelles immatriculations uniquement, avec une phase de transition entre cette date et 2026. En 2023, la taxation sera composée à 25% du nouveau régime et à 75% de l’ancien régime, une proportion qui passera à 50/50 en 2024, puis à 75/25 en 2025 et enfin à 100% en 2026.
Comment sera calculée la nouvelle taxe de mise en circulation (TMC) ?
Plusieurs facteurs seront pris en compte dans la nouvelle formule de calcul : la puissance (en kW) sera multipliée par trois facteurs : les émissions de CO2, la masse maximale autorisée et la technologie du moteur.
Le facteur CO2 est obtenu en divisant les émissions du véhicule concerné par la moyenne du parc automobile belge (soit 136 g/km en 2021). Même mode de calcul pour la masse maximale autorisée (1.838 kg en 2021). Pour le multiplicateur lié à la technologie du moteur, c’est plus compliqué : il sera de 0,26 pour les voitures électriques, de 0,8 pour les voitures hybrides tandis qu’il monte à 1 pour les véhicules thermiques (essence, diesel ou LPG).
C’est principalement le recours aux données liées à la masse qui suscite une levée de boucliers, car elles débouchent parfois sur des absurdités.
Plusieurs médias soulignent en effet que, dans le nouveau système, la TMC d’une Peugeot 2008 électrique sera plus de 12 fois plus élevée que celle d’une Renault Captur diesel. « Cela s’explique avant tout par la masse et la puissance du véhicule. Niveau puissance, nous sommes à 100 kW pour la Peugeot contre 85 kW pour la Renault. Elle a donc un montant de base plus important. Ensuite, au niveau du poids, on est à 1.877 kilo pour la Renault contre 2.030 kilos pour la Peugeot« , commente le cabinet du ministre.
Comment sera calculée la nouvelle taxe de circulation (TC) ?
Ici aussi, le calcul sera fait sur base des trois mêmes facteurs (CO2, masse maximale autorisée et technologie moteur).
Notons encore que les familles nombreuses pourront bénéficier d’un abattement, car on ne peut leur tenir rigueur du besoin d’un véhicule plus grand, et donc forcément plus lourd.
Enfin, pour les véhicules d’occasion, la taxe de mise en circulation sera aussi dégressive en fonction de l’ancienneté, comme c’était le cas auparavant. La réduction atteint 10% par an jusqu’à 5 ans et 5% par année supplémentaire.
Une bonne affaire pour la majorité des conducteurs ?
Selon le cabinet du ministre, le citoyen fera généralement une bonne affaire :
- Véhicules neufs : 84,9 % des véhicules auront une TMC moins élevée ; 75,1 % des véhicules auront une TC moins élevée ;
- Véhicules d’occasion : 73,9 % des véhicules auront une TMC moins élevée ; 88% des véhicules auront une TC moins élevée.
« La réforme ne prévoit aucune nouvelle taxe. L’enveloppe globale reste la même. Elle se distribuera juste différemment, en fonction des caractéristiques des véhicules. Il y aura des baisses et des hausses, en fonction de l’impact du véhicule sur l’infrastructure et l’environnement ou des risques encourus en cas d’accident« , précise le ministre.
Faut-il s’affoler ?
Mais disons-le franchement, tout ceci est à mettre au conditionnel, car rien n’est encore fait tant cette réforme soulève bien des oppositions et des questionnements, même si elle a déjà fait l’objet d’un premier accord.
Deux autres étapes très importantes restent à franchir avant que le texte ne soit voté au Parlement. Les textes, provisoires, doivent encore être peaufinés par le gouvernement et, ensuite, le ministre a promis une large concertation avec le Conseil de la fiscalité et des finances de Wallonie, le SPW Fiscalité, le CESE (Conseil Économique, Social et Environnemental de Wallonie), l’Union des villes et des communes wallonnes, ainsi que le secteur automobile avec Traxio et la FEBIAC.
La fiscalité automobile est un sujet tellement sensible en Wallonie, que ce le projet pourrait très bien ne jamais voir le jour… Certains partis de la majorité gouvernementale, dont le MR, sont notoirement opposés au projet. D’ici la fin de la législature, il se peut que certains jouent la montre…